Le projet du GPE comprend quatre nouvelles lignes de métro automatiques (numérotées de 15 à 18) ainsi que le prolongement de la ligne 14, correspondant au total à plus de 200km de voies, une longueur équivalente au métro parisien actuel. Si le calendrier reste tendu malgré une révision post-crise sanitaire, il est aujourd’hui « stabilisé » pour les magistrats, quand bien même des retards de livraison pourraient être prévus pour les tronçons Est et Ouest de la ligne 15 et que le tronçon Nord de la ligne 17 pourrait être abandonné au vu de l’arrêt de deux projets qu’il était censé relier : le centre commercial Europa City et le terminal 4 de l’aéroport de Roissy. Le tout s’effectuant dans un enchevêtrement d’acteurs, comme le rappelle le rapport : « celui qui conçoit, construit et finance le GPE (la SGP) n’est pas celui qui définit la politique de maintenance et de renouvellement (RATP Infrastructures, ex RATP-GI), ni celui qui la finance (Ile-de-France Mobilités), ni celui qui pilote et rémunère les opérateurs de transports (Ile-de-France Mobilités) »

Un projet plus coûteux que prévu

En 2017, la cour avait déjà mis en avant une « dérive » dans les dépenses. Alors que le projet devait coûter 19 milliards d’euros au moment de son lancement en 2010, il avait été revu à 36 milliards par la SGP en 2017 avant d’être réhaussé à 39 milliards après la crise sanitaire. Ce montant ne couvre qu’une partie des dépenses totales pour le projet du GPE qui s’élèveraient à 84 milliards d’après une estimation des magistrats financiers. Ce coût révisé s’explique en partie par une forte augmentation des effectifs de la SGP, passant de 297 à 1065 personnes entre 2017 et 2022 et de diverses modifications au plan initial.

Or, la Cour des comptes alerte sur la vulnérabilité du modèle de financement du projet : les emprunts à rembourser pourraient augmenter le coût total si les recettes de la SGP sont insuffisantes. La manne potentielle est importante, la SGP dispose d’une responsabilité d’aménagement pleine et entière sur les gares et ouvrages annexes ainsi que sur toutes les opérations dans un rayon de 300m autour des gares. Elle peut également prendre en charge des opérations d’aménagement dans un rayon inférieur à 600 m autour des gares après accord des collectivités concernées et à condition de ne pas entrer en contradiction avec les contrats de développement territoriaux signés entre les collectivités et l’État. Mais les 101 projets immobiliers visés par la SGP d’ici 2034 recouvrent une surface de plancher faible à l’échelle du GPE (1 million de m², soit 3% du total possible aménageable) pour des recettes encore très incertaines, estimées à 362 millions d’euros. De plus, les magistrats craignent un manque de recettes issue de la taxe sur les bureaux avec le développement du télétravail alors que la redevance d’exploitation versée par IDFM à SGP a été réduite de moitié, soit une perte de recettes cumulées de 6,7 milliards d’euros d’ici 2070.

Le risque d’un réseau de transport sous-calibré dès son ouverture

Les projections de fréquentation ont également été revues à la hausse par rapport aux hypothèses de 2012 de 2,4 millions d’usagers quotidiens. La baisse de l’usage de la voiture a conduit à une nouvelle évaluation de 3 millions de voyageurs en 2020 et la SGP considère aujourd’hui que le trafic pourrait atteindre les 3,5 millions de déplacements quotidiens, alors que le projet n’a pas été adapté pour accueillir ce public supplémentaire.

Un impact carbone largement bénéfique mais en deçà des attentes

De même, la SGP estime les réductions nettes de CO2 permises par le projet entre 14 et 29 millions de tCO2 à l’horizon 2050, et de 27 à 51 millions de tCO2 à l’horizon 2070. Cet impact positif est très largement permis par une urbanisation plus dense et un bâti plus efficace du point de vue énergétique autour des gares. Seulement 35 % des émissions évitées seraient dues au report modal et cette part pourrait être encore inférieure si les objectifs nationaux d’électrisation automobile sont atteints. De même, la cour relève que « l’objectif de valoriser 70 % des déblais de chantiers ne sera vraisemblablement pas atteint » quand bien même leur excavation représente 10% du bilan carbone du GPE.

Les recommandations de la Cour des comptes 

Pour permettre au projet de contenir ses coûts tout en assurant ses recettes et une gouvernance saine, la cour formule huit recommandations dont notamment une clarification des coûts à charge pour la SGP, notamment sur la question des interconnexions avec des gares SNCF et RATP et le maintien d’un niveau de recettes suffisant pour permettre un remboursement des emprunts sur quarante ans à compter de la livraison du dernier tronçon du GPE.

EE