Après un premier cycle de conférences l’année dernière, la coopérative Plateau Urbain relance les « conversations sur la ville », une série de réunions publiques faisant dialoguer des professionnels de la fabrique urbaine. Le 23 mai la première conférence de cette série, animée par les fondateurs de l’association Surface + Utile, Paul Citron (également président du conseil de surveillance de Plateau Urbain) et Aurélie Deudon, portait sur la crise de l’immobilier de bureau depuis la pandémie. 

Pour Christian de Kerangal, directeur général de l’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière, la crise est « à la fois conjoncturelle et structurelle ». Conjoncturelle car déclenchée après la hausse des taux par les banques centrales suite à la pandémie. Et structurelle car résultant de pratiques d’extension continue de l’immobilier de bureau qui ne suit pas les besoins. Ainsi, « une fois que la crise conjoncturelle sera passée, il ne faut pas repartir comme avant ». Il pointe également « l’optimum de tertiarisation de l’économie et de surfaces de bureau » en Ile-de-France. Construire plus de bureaux n’est donc pas nécessaire, d’autant que l’INSEE prévoit une baisse de la population active à partir de 2040. 

Cette crise est également inédite dans son ampleur. Comme le rappelle Thierry Laroue-Pont, président du directoire de BNP Real Estate : « pour la première fois elle va toucher tous les métiers de l’immobilier, toutes les géographies, toutes les classes d’actifs ». Cette crise manifeste également le problème de « l’obsolescence programmée de l’immobilier de bureau » qui ne répond plus aux besoins après quelques années. Face à cela les investisseurs vont devoir s’habituer à « gagner moins d’argent » mais aussi réorienter leurs capitaux vers d’autres actifs : « le résidentiel, le résidentiel géré (résidences étudiantes et séniors), les loisirs, la santé, les data centers … ». 

 Ces nouveaux investissements pourraient permettre de trouver « l’équilibre » dans certains territoires comme l’explique Julie Lefebvre, vice-présidente au développement économique, à l’emploi et l’insertion du territoire d’Est Ensemble, qui connait une forte vacance de son immobilier de bureau et s’attache à en transformer une partie en logements mais aussi à trouver de nouveaux espaces pour une économie non-tertiaire. 

Catherine Sabbah, déléguée générale d’IDHEAL, a également rappelé que si les taux des banques centrales ont brutalement augmenté post-crise sanitaire après une période de stabilité (passant de 0% à 4% en quelques mois), leur niveau n’est pas historiquement haut. « Ce qui est historiquement haut ce sont les prix de l’immobilier et pour la plupart des catégories d’actifs, ils ne baissent pas malgré la crise », souligne-t-elle. De même, elle rappelle que si la transformation de bureaux en logement est possible et parfois nécessaire, « un bon bureau ne fait pas un bon logement » car pour les grandes surfaces tertiaires, il est difficile de faire autre chose que des appartements mono-orientés ou très profonds. Convertir des bureaux en logements nécessitera une « architecture atypique » qui va demander beaucoup de réflexion et, face à la vacance des bureaux, il n’y aura parfois pas d’autres choix que de détruire des bâtiments pour installer d’autres activités à leur place. 

Les participants se sont entendus sur la nécessité d’un nouveau modèle, potentiellement moins rentable mais plus ajusté aux besoins des entreprises, des habitants et de la transition écologique. Thierry Laroue-Pont a souhaité illustrer cela par la construction du nouveau siège de l’AP-HP dont BNP a assuré la maîtrise d’ouvrage. Un « immeuble à mission » dont la moitié de la surface est dédiée à l’économie sociale et solidaire ainsi qu’à des logements sociaux, le tout financé par l’autre moitié du bâtiment composée de bureaux classiques. 

EE