« L'art dans la ville, un luxe nécessaire », affirmait le Club Ville Aménagement dans son « 5 à 7 » du 13 décembre, une rencontre conçue et animée par Ariella Masboungi, Grand Prix de l’urbanisme 2016. Si le sujet pouvait sembler décalé par rapport aux nombreuses tensions que subissent les villes actuellement, les deux intervenants, Jean Blaise et Edouard Philippe, ont démontré le rôle de levier de la commande publique d’art contemporain dans la renaissance des villes.

Le Havre, ville « longtemps dénigrée » et en cruel manque d’attractivité selon son maire et ancien premier ministre Edouard Philippe, a connu une première reconnaissance en 2005 avec le classement de l’architecture de la reconstruction d’Auguste Perret au patrimoine mondial de l’Unesco : « les gens pouvaient dire que le Havre était beau comme Venise », sourit l’édile. Elu maire quelques années plus tard, il met sur les rails une politique culturelle ambitieuse, en commençant par la lecture. Et pour fêter le 500e anniversaire de la ville (2017), il est décidé de « faire venir du monde pour montrer comment nous avons changé ». C’est le lancement d’Un été au Havre, avec pour directeur artistique Jean Blaise, le maître d’œuvre du rayonnement culturel nantais (créateur du Festival des Allumées, directeur du Lieu Unique, organisateur d’Estuaire, parcours artistique qui révèle le territoire de l’estuaire de la Loire de Nantes à Saint-Nazaire, directeur du Voyage à Nantes…). Dans l’objectif d’« utiliser l’art contemporain pour obliger les gens à regarder la ville », Edouard Philippe, qui « ne rentre pas dans les questions de programmation », salue le « souci permanent de la justesse » qui guidera Jean Blaise : « trouver l’œuvre au bon endroit permettant d’être ambitieux et de voir la ville avec un nouveau regard ». Et cela en s’inscrivant à la bonne échelle dans des espaces publics particulièrement amples. A Nantes, il était aussi question de miser sur la culture pour vivifier une ville malmenée. Mais « ce qui m’a réjoui est que le résultat a été totalement différent au Havre », témoigne Jean Blaise, « signe que l’œuvre se crée en fonction du territoire, des perspectives… ». 

L’impact de telles initiatives ? Il se traduit en termes de développement touristique, mais aussi d’appropriation par les habitants, telle la Catène de Containers de Vincent Ganivet sur le quai Southampton, prévue pour être une installation temporaire, aujourd’hui pérennisée et considérée par les Havrais comme « un nouveau symbole de la ville ». Un Eté au Havre se poursuit chaque année avec l’ajout d’une ou deux œuvres qui font collection.

L’art dans l’espace public crée-t-il du lien social ? Les deux intervenants n’iront pas jusque là mais constatent la consolidation d’une culture commune, « un référentiel commun » selon Edouard Philippe qui salue aussi l’insertion d’entreprises locales dans le financement de la dynamique. Il attribue également à ce type de politique culturelle un effet sur la façon d’aménager la ville, « qu’on ne peut plus imaginer indépendamment de la collection ».

Marie-Christine Vatov

Photo : La Catène de Containers de Vincent Ganivet.