La Fondation Abbé Pierre a partagé le 31 janvier son 29ème rapport sur l’état du mal-logement en France, pointant l’insuffisance des mesures gouvernementales pour traiter la question des 600 000 logements indignes estimés, et critiquant le désinvestissement de l’Etat vis-à-vis du logement social.  

Ce 29ème rapport a été présenté le 1er février à la Maison de la Mutualité à Paris, soixante-dix ans jour pour jour après l’appel de l’abbé Pierre. « La bombe sociale du logement a explosé » affirme l’institution via un titre choc, qui choisit d’orienter le débat sur les habitats indignes, définis par la loi comme des « locaux ou [des] installations utilisés [à des fins] d’habitation et impropres par nature à cet usage [et qui exposent] les occupants à des risques manifestes pouvant porter atteinte à leur sécurité physique ou à leur santé ». L’Etat en dénombre 420 000, auxquels viennent s’ajouter 110 000 logements indignes en Outre-mer, ainsi que les habitations de fortune, soit un total d’environ 600 000 logements indignes selon la fondation. A l’origine de cette situation, des ménages aux ressources financières insuffisantes pour engager des travaux de rénovation, des investisseurs à la recherche d’une rentabilité économique à court terme, la suppression depuis 2018 de l’APL accession destinée au financement de travaux pour les propriétaires aux revenus modestes. Si certains dispositifs visent à réduire le stock de logis indécents, tels la plateforme internet « Histologe » invitant leurs occupants à les signaler ou les « permis de louer » conférant à une collectivité le pouvoir d’autoriser la mise en location d’un bien sur un périmètre prédéfini, ceux-ci sont souvent inefficaces. La Fondation Abbé Pierre propose d’ « engager 13 milliards d’euros sur dix ans pour traiter plus de 300 000 logements parmi les plus indignes de France », ainsi que de « renforcer les moyens de contrôle […] pour prévenir la dégradation du bâti » en mettant en place un « contrôle technique du logement » à la charge du propriétaire « sur le modèle du contrôle technique automobile ». 

Autre cible : les « coupes importantes menées depuis 2017 sur les APL », et la hausse de la TVA sur les logements sociaux PLUS et PLS, qui ont entrainé une chute de la production Hlm. Des mesures qui ont suscité une incompréhension auprès des rédacteurs de ce rapport, qui rappellent un besoin de logements sociaux plus pressant que jamais, avec 2,4 millions de ménages sur liste d’attente, relevant un nombre de demandes en augmentation de 7% par rapport à l’année dernière. Le gouvernement mise sur le logement intermédiaire, dont la « production est passée de 8000 à 16 000 logements financés par an entre 2017 et 2022 ». S’ajoutent à cette liste, une baisse de la production de logements étudiants, et quelque 8000 personnes, dont 2 400 mineurs, refusées en hébergement chaque soir du mois de novembre 2023. 

Le directeur des études de la Fondation Abbé Pierre, Manuel Domergue, n’a pas caché ses inquiétudes quant à la nomination le 8 février de Guillaume Kasbarian au ministère du logement. Ce dernier est connu pour avoir initié la loi dite « anti-squat » promulguée en juillet 2023, facilitant les procédures d’expulsion en cas d’impayés ; une loi décriée dans le rapport pour sa « vision purement répressive », « ajout[ant] à la précarité économique des ménages […] une fragilité administrative et juridique ».

Photo : entrepôt aménagé en dortoir à Montreuil (93). 

TLF